LA MAÇONNERIE À PIERRES SÈCHES À TRAVERS LES ÉCRITS DES XVIIIe et XIXe SIÈCLES

 

Dry stone masonry through 18th- and 19th-century writings

 

Christian Lassure

 

Avertissement : ce texte est la suite de l'article « La maçonnerie à pierres sèches dans des écrits du XVIIe siècle », affiché le 18 mai 2022 à l'adresse http://pierreseche.chez-alice.fr/traite_construction_chemins.htm

 

Contrairement à une croyance répandue, l’art de construire à pierres sèches n’est pas un savoir exclusivement empirique, qui se serait transmis uniquement de façon orale depuis la nuit des temps. À partir du XVIIe siècle, il fait l'objet, dans les écrits d'architectes et d'agronomes, de mentions ou de passages qui ont contribué à sa diffusion auprès d'un lectorat d'hommes de l'art, d'amateurs et de curieux.

 

Nous nous proposons d'examiner ici ces mentions et passages à partir de l'année 1814, date de parution du Vocabulaire des Arts et Métiers de l'architecte Joseph Madeleine Rose Morisot , jusqu'à 1882, date de la réédition du Nouveau manuel complet du maçon, du stuccateur, du carreleur et du paveur de l'architecte Claude-Jacques Toussaint.

 

1814

J. M. R. Morisot, Vocabulaire des Arts et Métiers, en ce qui concerne les constructions, faisant suite aux Tableaux détaillés des prix de tous les ouvrages de Bâtiment, à l'usage des Architectes, des Ingénieurs, des Vérificateurs, des Toiseurs, des Entrepreneurs, des Propriétaires de maison et de tous ceux qui peuvent faire bâtir, Ve Volume, à Paris, 1814, chap. Vocabulaire de la maçonnerie, pp. 1-102

( https://cnum.cnam.fr/pgi/redir.php?onglet=e&ident=8KO21_2)

 

Ce livre de l'architecte-vérificateur des bâtiments du roi J.M.R. Morisot ne contient que quatre mentions susceptibles de nous intéresser :

- p. 2 : Puisard. C'est un trou carré ou en forme de puits, pratiqué au milieu d'une cour ou d'un jardin, ordinairement entouré d'une maçonnerie à pierre sèche et couvert d'une pierre trouée, dans lequel s'écoulent les eaux pluviales et les eaux ménagères.

- p. 56 : Mur à pierres sèches. C'est celui qui est construit en moellon ou en meulière sans aucun mortier.

- p. 75 : Poser à sec. C’est poser les pierres ou les moellons sans mortier ou plâtre.
- p. 81 : Remplissage. (…) C’est encore le nom de la maçonnerie à sec que l’on fait avec des cailloux derrière un mur de revêtement.
On retient de ces mentions l'évocation d'un quatrième cas d'emploi de la maçonnerie à pierre sèche, la construction d'un puisard : il faut que les eaux qui s'y déversent puissent s'infilter dans le sol à travers les interstices des pierres.

 

1820-1821

 

J. S. Lardier, Des Académies de Marseille et de Toulon, et de plusieurs Sociétés d’Agriculture, Essai sur les moyens de régénérer l’agriculture en France et plus particulièrement dans les départements du Midi, Marseille, chez Antoine Ricard, 1820-1821, 3 vol., vol. 3, pp. 109-110


Dans le domaine du soutènement viticole, un Essai sur les moyens de régénérer l’agriculture en France et plus particulièrement dans les départements du Midi, paru en 1820-1821, sous la plume de l’agronome J. S. Lardier, décrit la technique pour construire une muraille de soutènement à pierres sèches à deux parements et accumuler des lits de terre damée à l’arrière de celle-ci pour ne faire qu’une masse avec la muraille et lui permettre de résister à la poussée de terre meuble imbibée d’eau en hiver. Dans le cas où les pierres font défaut ou sont impropres (pierres roulées), il suggère de ménager des talus et de recouvrir ceux-ci de plaques de gazon.

 

« Le moyen de rendre plus solides les murailles à pierres sèches qui soutiennent les terres en pente, c’est, I.° de les construire à deux faces, et d’employer de bonnes pierres ; 2.° lorsqu’on a fait la fondation, dans laquelle on doit placer les plus grosses, c’est de mettre derrière la muraille, à chaque assise, un lit de terre, légèrement humide, de douze à quinze pouces d’épaisseur, et de la tasser avec une demoiselle, de manière à n’en faire qu’une masse avec la muraille, qui soit capable de résister aux efforts de la terre meuble, lorsqu’elle est imbibée d’eau en hiver ; 3.° et de rapprocher assez ces murailles, pour que chaque terrasse n’ait que la pente nécessaire à l’écoulement des eaux pluviales surabondantes.


Dans les localités où l’on manque de pierres, ou lorsqu’elles ne sont pas propres à cet usage, comme les pierres roulées, par exemple, il est un autre moyen encore plus simple et plus économique, qui, à l’avantage de remplir le même objet, joint celui de donner du fourrage : il consiste à semer un an auparavant, sur une partie de terre à ce destinée, de la graine de fromental, et l’année d’après, à l’époque des pluies (en octobre), à couper le gazon avec la pioche, par morceaux d’un pan carré et de quelques pouces d’épaisseur, pour le plaquer sur le terrain qu’on a préalablement disposé en talus.


Cette espèce de mur, plus agréable à la vue que ceux en pierre, donne un bon foin au mois de mai, un regain en automne, et un pâturage pendant l’hiver ; ce qui compense bien le préjudice que peuvent porter aux vignes les racines de ces plantes.
»

 

1825

 

J. R. Delaître, Manuel de l'architecte et de l'ingénieur, ouvrage utile aux entrepreneurs, conducteurs de travaux, maîtres maçons, charpentiers, contre-maîtres, etc., et en général à toutes les personnes qui s'occupent des constructions, Paris, Persan et Cie, éditeurs, 1825.

 

Ancien professeur à l'École royale militaire, J. R. Delaître s'inspire apparemment des travaux de ses devanciers, et notamment du Traité de la construction des chemins d'Henri Gauthier (1693), pour aborder le sujet du mur de soutènement routier à pierre sèche en montagne.

 

Celui-ci doit se conformer aux règles suivantes quant à la morphologie et aux proportions de ses différentes parties :

- l'assise du mur doit avoir une pente de quelques pouces (1) du côté amont,

- la paroi aval doit avoir un talus (un fruit) du cinquième de sa hauteur,

- la paroi amont doit être d'aplomb,

- la largeur du mur en haut doit être au moins de deux pieds (2),

- le couronnement doit être fait de pierres plates posées de chant sur les deux tiers de la largeur du mur.

De plus, la disposition des pierres dans le mur doit se faire en fonction de leurs dimensions : les plus grosses et les plus plates vont dans les fondations, les plus longues sont placées en boutisse dans le parement aval, les plus petites dans le corps du mur et les moyennes dans le parement amont.

 

(1) 1 pouce = 2,7 cm.

(2) 1 pied = un tiers de mètre.

 

- p. 108-111 : CHEMIN A LA MONTAGNE ET A MI-CÔTE.

« Lorsque vous sortez de la plaine pour traverser une ou plusieurs montagnes, les rampes ne peuvent pas toujours être en droite ligne ; et si l'Ingénieur a pour objet de conduire sa route au sommet, il doit profiter de tous les moyens que les sites lui permettent pour adoucir les rampes et sauver aux voyageurs, non-seulement les dangers réels, mais même les simples apparences du danger.

 

Le chemin, dans ces lieux, est bordé, pour l'ordinaire, du côté du bas de la rampe, par un mur de soutènement ; tantôt, suivant la disposition du terrain, on se contente de faire toute la tranchée dans le solide de la montagne; tantôt, traversant les rochers, on établit de l'un à l'autre des décharges et des cintre surbaissés, pour supporter les murs de soutènement. Si on ne peut y établir une route, ni par un mur de soutenement ni par une charpente, on perce le rocher qu'on rencontre ; et cette méthode est la plus certaine.

 

Les murs de soutenement pratiqués pour supporter le chemin sur la rampe d’une montagne, sont faits ordinairement à pierres sèches ; ceux qui sont faits à chaux et à sable ne sont pas toujours les meilleurs, parce que le mortier qui ferme le joint des pierres, empêche les eaux de se filtrer au travers des terres qui les retiennent comme une éponge.

 

Les eaux, dans le temps des pluies qui descendent de la rampe de la montagne, s'imbibent dans le terrain, remplissent le fondement des murs, désunissent le mortier, sourcillent enfin entre les joints, et entraînent, par-là, les murs, par l'effort des terres qu'ils soutiennent.

 

Les murs de soutenement en pierres sèches, doivent être assis en bon fonds. Il faut leur donner une pente de quelques pouces du côté du haut de la montragne, afin qu'ils soient parfaitement bien assis dans le sol ; ensuite on les élève aplomb du côté des terres et du remblai, et en dehors on lui donne un talus du cinquième de la hauteur ; la largeur, par le haut, doit être, pour le moins, de 2 pieds, élevée et couronnée de pierrres plates couchées de champ, sur environ les deux tiers de la largeur du mur. L'arrangement des pierres doit être tel, que les plus grosses et les plates soient établies dans son fondement, les longues à son parement, ce qui formera une espèce de boutisse, et les plus petites dans le corps du mur : le derrière des murs doit être garni des moyennes.

 

Les terres seront ensuite rangées derrière avec la pelle ; on les fera descendre du haut de la montagne, et les pierres qu'on trouvera parmi les déblais, seront couchées derrière les murs.

 

Le remblai des terres doit se faire jusqu'à la hauteur des murs de soutènement.

 

Il n'est pas toujours nécessaire de soutenir le chemin, sur la rampe d'une montagne, par des murs : quelquefois le terrain de la montagne est tel, qu'il suffit de faire la voie plus large, afin que, si les pluies causent des éboulements, la route ait encore sa largeur ; il faut alors soutenir, autant qu'il est possible, les terres par des haies vives et des arbres, dont les racines remplaceraient par la suite le mur de soutènement [...] ».

 

Plus loin (p. 193), l'auteur fait allusion à un type de maçonnerie sans mortier (et sans joint) pratiqué dans l'Antiquité :

- p. 193 : « Les anciens bâtissaient à pierres sèches ; ils frottaient les pierres les unes contre les autres, les usaient et les polissaient ensuite l'une sur l'autre. Elles acquéraient, par ce moyen, une telle adhérence que, par la suite, aucune force ne pouvait les séparer ».

Ce n'est toutefois pas ce qu'on entend ordinairement sous la dénomination de «maçonnerie à pierres sèches ».

 

1834 et réédition de 1852

 

- M. Toussaint, Manuel du maçon-plâtrier, du carreleur, du couvreur et du paveur. Paris, Roret, 1834, 257 p.

- Claude-Jacques Toussaint, Nouveau manuel complet du maçon-plâtrier, du carreleur et du paveur (Nouvelle édition) par M. Toussaint…, Paris, 1852, Roret, Nicolas Edme, éditeur scientifique, 1 vol. VIII-298 - 90 p. 10 f. de pl.

 

Claude Jacques Toussaint), architecte de son métier, envisage le recours à la construction à pierre sèche dans deux cas précis en rapport avec l'écoulement des eaux :

- la pierrée, petit canal souterrain ou découvert,

- le puisard, trou recevant les eaux ménagères ou pluviales (dans ce deuxième cas, il fait écho à Joseph Madeleine Rose Morizot, supra).

- p. 75 : On construit des murs en pierres sèches, c'est-à-dire avc des pierres arrangées à la main, sans aucun mortier pour les liaisonner ; on les érige ainsi aux endroits où l'on veut faciliter le passage aux eaux qui filtrent dans les terres.

- p. 87 : PIERRÉE. Petit canal souterrain, ou découvert au niveau du sol, construit en meulière ou à pierre sèche, pour rassembler les eaux et les diriger d'un endroit à un autre.

- p. 94 : Poser à sec, c'est poser les pierres taillées les unes sur les autres, sans mortier entre les lits ; mais en y mettant un peu d'eau et de grès pilé, et les frottant ou tournant l'une sur l'autre, jusqu'à ce qu'il n'y reste pas de vide, comme dans plusieurs édifices antiques.

- p. 96 : PUISARD. Construction souterraine destinée à recevoir les eaux pluviales ou ménagères, et à leur donner issue dans les terres : c’est pour cela qu’un puisard se fait en pierres sèches, c’est-à-dire sans aucun mortier, afin que les eaux se perdent facilement.


1838

 

Claude-Jacques Toussaint, Mémento des architectes et ingénieurs, des entrepreneurs, toiseurs, vérificateurs et des personnes qui font bâtir, Tome troisième, contenant les cinq ordres et leurs applications ; histoire et l'architecture ; Principes généraux théoriques et pratique, Paris, Roret, 1838.

 

Dans ce deuxième ouvrage, on relève les mentions éparses suivantes.

- p. 149 : Des murs en fondation : si l'édifice est situé sur le pendant d'un colline dans tous les cas, il est convenable, si l'on se trouve sur un tuf ou roc solide, de poser ses assises à sec et sans cales, en piquant et dressant les lits avec beaucoup de soin, au moins jusqu'à la hauteur des caves ou de l'étage souterrain.

- p. 166 : si les assises des points d'appui sont posées à sec au lieu d'être liées par un bon mortier, elles cèdent sous un moindre poids.

- p. 452 : Contruction de digues : Alors on les pose même à sec, c'est-à-dire sans mortier dans les joints, par assises enclavées les unes dans les autres.

De ces mentions, on retiendra surtout celle d'un emploi jusqu'ici non abordé : la construction de digues.

 

1853

 

John Burgoyne, Revetments or Retaining Walls, dans Corps of Royal Engineering Papers, 1853, vol. 3, pp. 154-159
 
En 1853, en Angleterre, paraît, dans la revue Corps of Royal Engineering Papers, un article intitulé Revetments or Retaining Walls, relatant les essais de stabilité effectués deux décennies plus tôt par l’inspecteur général des fortifications John Burgoyne. Celui-ci fait bâtir quatre murs de soutènement en blocs de granit, chacun de 6,1 m de haut sur 6,1 m de long et employant le même volume de matériau mais ayant une section différente (1/ parements parallèles avec fruit, 2/ parement extérieur avec fruit et parement intérieur droit, 3/ parement extérieur droit et parement intérieur à fruit, 4/ parements parallèles droits). Le remplissage progressif de terre à l’arrière de chaque profil de mur (à raison de 300 mm d'incrément) permet d’établir le niveau à partir duquel la rupture (le basculement) intervient pour chacun d'eux.

 

Dessin du haut : vue à la verticale des quatre murs de soutènement et du remplissage en arrière. Dessins du bas : vue latérale des sections des murs à deux parements en granit sur socle rocheux :
- en A, mur aux deux parements parallèles avec fruit : remplissage jusqu'en haut du mur, aucun signe d'ébranlement ;
- en B, mur au parement extérieur avec fruit et au parement intérieur droit : remplissage jusqu'en haut du mur, légère fissuration ;
- en C, mur au parement extérieur droit et au parement intérieur à fruit : remplissage jusqu'à 5 m 2, ventre à 1,5 m, grosses fissures et rupture ;
- en D, murs aux deux parements parallèles droits : remplissage jusqu'à 5 m 2, déversement de 0,45 m et rupture.
Dessins en meilleure définition ici.

 

Les conclusions de Bourgoyne serviraient aujourd’hui encore de référence pour vérifier la modélisation numérique des murs de soutènement en pierre sèche (3).

(3) Chris Mundell et al, Behaviour of drystone retaining structures, Proceedings of the Institution of Civil Engineers-Structures and Buildings, 2010, vol. 163, no. 1, pp. 3-12. (https://doi.org/10.1680/stbu.2009.163.1.3).

 

1854

 

Henri Duvinage, Manuel des constructions rurales, Dusacq, Paris, 1854, pp. 113-115 (4)


En 1854, à Bruxelles, Henri Duvinage, ingénieur civil et architecte, fait paraître un Manuel des constructions rurales. Deux pages y sont consacrées aux principes et règles à suivre pendant la construction d'un mur de soutènement, de terrasse ou de revêtement pour en assurer la stabilité. Six matériaux sont envisagés : briques, moellons, pierre de taille, cailloux roulés, briques et moellons, pierres sèches. L’ouvrage sera réédité en 1856 et 1861.

 

§ 26. – Murs de terrasse ou de revêtement. (p. 113-116)

« Les murs qui doivent soutenir un terre-plein et auxquels on donne conséquemment les noms de mur de soutènement, de terrasse ou de revêtement, ont à surmonter la pression d'un prisme triangulaire de terre, qui tend naturellement à s'ébouler, en vertu de sa pesanteur. Le plan incliné sur lequel ce prisme repose a d'autant plus d'inclinaison que les matières qui composent le terre-plein ont moins de cohésion et plus de fluidité. Ainsi, ce plan est moins incliné pour les terres végétales simples que pour celles qui sont mélées de gravier, et moins encore pour celles-ci que pour le sable.


Deux causes tendent à diminuer la poussée des terres : 1° leur cohésion ; 2° le frottement que le prisme éprouve sur le plan incliné qui le soutient. Ainsi toutes les causes qui diminuent la cohésion et le frottement augmentent la poussée : voilà pourquoi les terres imbibées d'humidité produisent une poussée plus forte que celle qu'elles exerceraient à sec.
Dans tous les cas, il est essentiel de massiver régulièrement les terres lit par lit pour leur donner plus de cohésion et de compacité.


Pour augmenter la stabilité des murs de revêtement et pour diminuer leur masse sans les affaiblir, on leur donne ordinairement un talus, c'est-à-dire on incline plus ou moins la paroi extérieure, de manière que le mur diminue progressivement d'épaisseur en s'élevant. – Ordinairement, la largeur du talus est d'un sixième de la hauteur à un dixième. Pour donner encore plus de stabilité aux murs, on a imaginé outre le talus, des contre-forts.

 
 


Si l'on examine le profil (fig. 33) d'un mur qui doit résister à des pressions horizontales ou obliques qui tendent à le renverser, on reconnaîtra qu'il résiste d'autant mieux que le point I de la base DE, par où passe la ligne verticale qui part du centre de gravité G, sera plus éloigné du point D autour duquel on suppose que le mur tournerait, si la pression qui tend à le renverser était prépondérante.


Il résulte de ce principe : 1° qu'un mur dont la face extérieure est un talus aura, à masse égale, plus de stabilité que celui dont les faces sont d'aplomb. 2° Un mur avec contre-forts résisterait mieux si ces contre-forts étaient placés à l'extérieur, que lorsqu'ils sont placés à l'intérieur du côté des terres; car, dans le premier cas, c'est le mur qui forme toujours la plus grande masse, dont la ligne du centre de gravité répond à un plus grand éloignement du point de rotation.


Quelle que soit la forme que l'on donne à un mur de revêtement, il est indispensable de pratiquer à des distances convenables des ouvertures étroites, appelées barbacannes, évents, pour donner issue aux eaux qui pénètrent les terres et qui produiraient des effets très nuisibles si elles ne pouvaient sortir librement.

 

Dans la pratique, il est prudent d'augmenter un peu les épaisseurs indiquées dans le tableau qui précède ».
 

 

Pour un mur de soutènement en pierres sèches ayant un talus extérieur (un fruit) de 1:20e de sa hauteur, l'auteur donne, en fonction de la nature du matériau soutenu, l'épaisseur suivante (prise à la crête du mur et exprimée en fraction de la hauteur) qui est prise pour unité :

- terre ordinaire végétale (1100 kg le m3) : 0,22,

- terre argileuse (1240 kg le m3) : 0,24,

- terre mêlée de gros gravier (1600 kg le m3) : 0,25,

- terre mêlée de petit gravier (1458 kg le m3) : 0,26,

- sable (1340 kg le m3) : 0,37,

- décombres, débris de roches (1750 kg le m3) : 0,37,

- terre savonneuse (1580 kg le m3) : 0,37

(4) Voir Christian Lassure, Déjà en 1854 : « Murs de terrasse ou de revêtement ». Extrait de Duvinage Henri, architecte du Roi des Belges, Manuel des constructions rurales, Dusacq, Paris, 1854, pp. 113-115
http://www.pierreseche.com/extrait_duvinage.htm 20 juin 2005.

 

1862 - réédition 1873

 

R. Bruère et J. Baudry, Traité de consolidation des talus, routes, canaux et chemins de fercontenant Des explications fort étendues sur les causes des éboulements, La description des procédés de consolidation, Le prix de revient obtenu pour 296,000 m carrés de talus, et une analyse des systèmes les plus connus avec un examen des principes, Librairie polytechnique, J. Baudry, libraire-éditeur, 1873, 322 p.

 

L’usage de la maconnerie de pierre sèche dans la consolidation des grands talus bordant les voies ferroviaires est abordé, en 1862, dans le Traité de consolidation des talus, routes, canaux et chemins de fer rédigé par l’ingénieur civil R. Bruère. Une réédition augmentée, co-signée R. Bruère et J. Baudry, paraît en 1873. Dans cette dernière, au chapitre « Système de soutènement » les auteurs citent, entre autres moyens employés par leurs collègues :

- « les contreforts construits en pierre sèche par assises horizontales, se reliant au terrain solide au moyen de gradins » (p. 18-19),

- « les murs en maçonnerie, avec liaison de mortier, mais avec un mur en pierre sèche placé en arrière et avec pierrées traversant, de distance en distance, le mur en maçonnerie de mortier» pour faciliter l'écoulement des eaux (p. 20),

- « les revêtements en pierre sèche » : ils « ont généralement une épaisseur de 0 m,30 à 0 m,40 cm ; quelquefois, ils sont disposés de manière que l'épaisseur augmente du sommet à la base ; cette augmentation varie suivant l'inclinaison des talus ; d'après M. de Sazilly, on admet communément que l'accroissement doit être de 0 m,05 pour un talus de 1 m,50 de base et de 1 mètre de hauteur, et de 0 m,10
pour un talus de 1 mètre de base pour 3 mètres de hauteur
» (p. 21).

 

Les auteurs précisent encore : « dans la construction des revêtements en maçonnerie de pierre sèche, on doit s'attacher principalement à disposer les moellons, à les assembler de telle sorte que toutes les parties d'un revêtement soient solidaires les unes des autres ; il faut encore les placer en boutisses et les faire reposer sur des pierrailles ou du gravier, de manière que les joints soient parfaitement garnis, et que les terres soient à l'abri des influences atmosphériques » (pp. 176-177).

 

1882

 

Claude-Jacques Toussaint, Picat (contremaître aux travaux publics), M.-Désiré, Nouveau manuel complet du maçon, du stuccateur, du carreleur et du paveur : traitant de l’emploi de matieres servant à la construction des bâtiments de ville et de campagne, de la confection et de l’emploi des divers stucs, ainsi que des procédés de carrelage et de pavage… (Nouvelle édition corrigée et entièrement refondue par M. A. Romain, Roret (Paris), 1882, 1 vol (IV - 452 p.)


De cette réédition augmentée de l'ouvrage de 1852 (voir supra), on retiendra la phrase suivante :
« Les exemples de construction à pierres sèches sont extrêmement rares et toujours bornés à des cas très-spéciaux.»

 

Si ces divers écrits sont très loin d’être des manuels complets de construction à sec, ils recèlent néanmoins quelques développements instructifs sur la maçonnerie sèche dans la clôture basse, le soutènement de terrasses et de routes, la construction de pierrées (chenaux), de puisards et de digues. En revanche, sur la construction d’abris ruraux en pierre sèche, ces écrits restent muets. Il faudra attendre la deuxième moitié du XXe siècle pour que l'attention se porte sur ce qu'il est convenu d'appeler les cabanes en pierre sèche et les vestiges lithiques agricoles.


© Christian Lassure
24 octobre 2024 / October 24th, 2024

Référence à citer / To be referenced as :

Christian Lassure
La maçonnerie à pierres sèches à travers les écrits des XVIIIe et XIXe siècles (Dry stone masonry through 18th- and 19th-century writings)
http://pierreseche.chez-alice.fr/ecrits_sur_pierre_seche_1700-1900.htm
24 octobre 2024

La maçonnerie à pierres sèches dans des écrits du XVIIe siècle

 

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