Y A-T-IL DES « PAYS DE LA PIERRE SÈCHE » ?

Is there such a thing as "countries of dry stone walling?"

Christian Lassure

 

« REPPIS », « Le Réseau des pays de la pierre sèche »

Sous le sigle REPPIS, avait été mis en place, au tournant du siècle, un « Réseau des pays de la pierre sèche », financé par l’Union européenne (1). Défini comme « projet pilote de coopération interrégional de développement économique à vocation culturelle sur le thème mobilisateur du patrimoine et du travail de la pierre sèche », il regroupait quatre régions européennes :
- les Pouilles (pour l’Italie),
- l’Epire (pour la Grèce),
- les Baléares (pour l’Espagne),
- le Luberon (pour la France).

Le réseau REPPIS éditait, sous le titre REPPIS.NET, un bulletin de liaison paraissant sur papier mais aussi sous forme électronique (accueilli par divers sites Internet). Un site du même nom (www.reppis.net) était prévu, qui n’a jamais vu le jour, à l’exception d’une page blanche portant encore, en février 2005, la mention « site en développement - ouverture fin 2004 ».

« Un réseau de pays de la pierre sèche »

Dans son intitulé même, « le réseau des pays de la pierre sèche » prétendait manifestement à une universalité qui cadrait mal avec le petit nombre de pays (quatre) qui le constituaient effectivement. Où sont passés la Grande-Bretagne, l’Irlande, le Portugal, la Suisse, l’ex-Yougoslavie, autant de pays européens où la construction à pierre sèche a été ou est encore pratiquée ? La recherche de l’exactitude aurait commandé de parler d’« un réseau de pays de la pierre sèche » (si tant est que l’expresssion « pays de la pierre sèche » ait un sens comme nous allons le voir).

« France, pays de la maçonnerie au mortier »

À y regarder de près, peut-on raisonnablement qualifier la France (ou l’Italie, ou la Grèce, ou l’Espagne), de « pays de la pierre sèche » ? Qu’est-ce qui justifie qu’un pays puisse être dit « de la pierre sèche » plutôt qu’un autre ?

Pour nous, il s’agit là d’une terminologie réductrice, qui assimile un territoire national à un matériau et un mode de construction présentés comme étant de tous les lieux et de tous les temps, et pour ainsi dire consubstantiels à ce territoire.

Or d’autres modes de construction que la pierre sèche existent sur un même territoire national. Ils peuvent être plus généralement et plus uniformément répandus, c’est le cas, tout bonnement, de la maçonnerie liée. Affuble-t-on pour autant la France du qualificatif de « pays de la maçonnerie au mortier » ?

Les pays gigognes de la pierre sèche

Il est amusant de constater qu’à l’intérieur de « ce pays de la pierre sèche » que serait la France, coexistent des territoires plus petits qui revendiquent eux aussi l’appellation mirobolante de « pays de la pierre sèche ». C’est le cas de la région de Cabrières d’Avignon dans le Vaucluse (aux dires de Patrick Leblanc, créateur sur la Toile d’une page intitulée « Carrefour de beauté ») (2), ou encore le « Pays de haute Provence » (si l’on en croit le site Web du même nom) (3). Un pays de la pierre sèche peut en cacher un autre (voire deux autres).

À l’appellation creuse de « civilisation pétrée » dont il était de bon ton d’affubler la Provence dans les années 1980, voilà qu’a succédé la tarte à la crème touristique des grands et petits « pays de la pierre sèche ». De grâce, revenons à plus de sérieux ! Ne serait-il pas plus avisé et moins prétentieux de parler de « pays à architecture de pierre sèche » et de « haut lieu de l’architecture de pierre sèche » ?

Du « réseau » au « carrefour » et du « carrefour » à l’« échangeur »

Au programme REPPIS succède aujourd’hui le programme du « Carrefour européen de la pierre sèche », ainsi que nous l’apprennent un bulletin de liaison du même nom et divers documents de l’Union européenne (4). Alors que le « Réseau » regroupait quatre entités territoriales, le « Carrefour » (du latin quadrifurcum, à quatre fourches) en compte désormais six, avec l’adjonction de Chypre et de l’Écosse. Une dynamique est en marche, qui laisse augurer de futures et salutaires accroissements numériques. Déjà viennent à l’esprit des noms susceptibles de coller aux prochaines étapes : « étoile », « rond-point » ou « giratoire », et pourquoi pas « échangeur », terme qui paraît tout à fait adapté pour une structure qui met tant l’accent sur « l’échange » et la « mutualisation ».

Est-ce ici le « carrefour de la pierre sèche » ?

NOTES

(1) Subvention au titre de l’annéee 2003-2004 : 148 917 euros.

(2) Cf. perso.wanadoo.fr/leblanc.patrick/page160.htm

(3) Cf. www.paysdehauteprovence.com/telechargements/données/Transports.doc

(4) Cf. http://europa.eu.int/comm/culture/eac/culture2000/pdf/projets2003/cult_heritageA1.pdf


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© Christian Lassure

7 avril 2005 / April 7th, 2005

 

Les références du présent article seront citées comme suit :

Christian Lassure

Y a-t-il des « pays de la pierre sèche » ? (Is there such a thing as "countries of dry stone walling?")

http://pierreseche.chez-alice.fr/reppis.htm

7 avril 2005

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