LES VESTIGES EN PIERRE SÈCHE DU QUARTIER DES AURIPES (ALIAS « LE VILLAGE NOIR ») À GORDES (VAUCLUSE) AU MILIEU DU XXe SIÈCLE
THE DRY STONE VESTIGES OF LES AURIPES (AKA "THE BLACK VILLAGE") AT GORDES, VAUCLUSE, IN THE MID TWENTIETH CENTURY
Christian Lassure
AVERTISSEMENT
Ce texte dormait depuis la fin des années 1970 dans nos archives personnelles. Il avait été rédigé à la suite de l'étude architecturale que nous avions faite du quartier des Savournins Bas à Gordes (plus connu aujourd'hui sous l'appellation mensongère de « village des bories »). Il reposait non pas sur les observations de terrain – à la différence de la première étude – mais sur des descriptions antérieures dues à divers auteurs ainsi que sur des relevés des bâtiments exécutés par l'architecte Jean-Marc Didillon dans les années 1960. Plutôt que de laisser dormir, voire perdre ce texte, nous avons préféré le mettre sur l'Internet à la libre consultation de tous. Nous comptons lui ajouter ultérieurement le plan des bâtiments.
Il y a trente ans, les cabanes en pierre sèche des Auripes à Gordes (car telle est leur véritable désignation vernaculaire en français local) étaient déjà propriété privée. Il ne faut donc pas penser pouvoir y accéder aujourd'hui comme on pouvait encore le faire il y a un demi-siècle, quand la montagne à l'ouest de Gordes était encore ouverte à tous vents et aux découvreurs.
DESCRIPTION
Situé à 300 m à vol d’oiseau à l’ouest de Gordes et compris dans un triangle délimité au nord par un chemin allant de la Haute-Juverde aux Savournins et au sud par un chemin longeant le vallon des Mians, le lieudit Les Auripes abrite un vaste ensemble de cabanes, de murailles, de clapiers, d’enclos, de champs cultivés ou en friche qui couvrent le flanc d’une colline sur plus de 500 m de long et 250 m de large.
Baptisé « Village Noir » par certains érudits, soit à cause de la patine gris-foncé, presque noire, des parois extérieures des édifices, soit à cause du noircissement des parois intérieures et des voûtes par le suint des moutons ou la fumée des foyers, cet ensemble semble être désigné par les gens du cru sous l’appellation « les dix cabanes ».
Au centre de cet ensemble, existe un noyau ou hameau de trois groupes nettement séparés, ordonnés autour d’une grande voie de cheminement transversale orientée nord-ouest - sud-est et bordée de murs de 2 m de haut sur 1 m de large. Suivant un tracé en zigzag, elle pénètre au Nord-ouest dans le hameau à proximité du groupe de bâtiments A, traverse une petite aire pour rejoindre un 2e groupe T D U O, contourne une autre aire, passe devant les bâtiments C pour ensuite rejoindre au sud-est le cheminement longeant le vallon des Mians.
À l’est de ce noyau, on note deux autres groupes de bâtiments, B et E, bordant un petit cheminement transversal coudé reliant le chemin des Savournins au chemin du vallon des Mians.
LE GROUPE A
Ce premier groupe est un agglomérat de cinq bâtiments ordonnés autour d’une cour bordée de murs :
- Un bâtiment d’habitation a, de plan allongé (11,50 m x 3,50 m), voûté, pour le corps, en « gouttière », et, pour les extrémités, en « cul-de-four » (haut : 4,20 m). Un plancher de dalles (dim. : 1 m² sur 4 cm d’épaisseur) reposant sur des poutres de cade (résineux imputrescible), ménage, à 2,20 m de hauteur, un étage aux parois enduites de terre glaise. Un mur de refend divise le bâtiment en deux cellules communicantes a1 et a2. L’entrée principale donne sur la courette. À l’opposé de l’entrée, on remarque, encastrée dans la paroi, une grande dalle creusée de rigoles convergentes. S’agit-il d’un système d’évacuation de l’humidité, la pierre elle-même et la paroi à cet endroit étant couvertes de moisissure verdâtre ?
- Une bergerie b, accolée à l’extrémité est de la précédente, de mêmes plan et forme, mais plus petite (8,20 m x 3,30 m), à l’entrée donnant sur la courette et précédée d’un passage entre deux murs. Les parois internes sont recouvertes d’une couche noirâtre craquelée. A l’extrémité ouest, on note une sorte de banquette de pierres (crèche ?).
- Une cellule c, en forme de fer à cheval, adossée contre la paroi sud du bâtiment d’habitation a2, donnant par une entrée dans la courette. Elle s’élève extérieurement en cône tronqué jusqu’à 7,50 m de hauteur environ (haut. intér. : 5,50 m).
- Une cellule d, à la fois adossée à la précédente et à l’extrémité ouest du bâtiment a2 et en communication avec toutes les deux, mais sans communication avec l’extérieur, de forme approximativement circulaire (diam. max. : 3,60 m), elle fait 4 m de hauteur intérieure.
- Un abri e pour l’animal de trait, adossé à la paroi de la cellule c. L’ouverture occupe toute la largeur de la façade (diam. base : 2,30 m, haut. : 3,10 m). L’animal avait droit à une auge et un râtelier.
Des tessons de poterie en terre cuite rouge ou grise, vernissée en jaune, en marron ou en vert, manifestement de la poterie utilitaire du 19e siècle, ont été trouvés jonchant la cour.
LE GROUPE B (= groupe C de Verney)
Il s’agit d’un groupement de 5 bâtiments et de murs d’enclos situé immédiatement à l’ouest du coude du petit chemin transversal :
- Au nord, un grand bâtiment a, de plan rectangulaire (dim. int. : 7,20 m x 2,20 m), à voûte en « carène » (haut. int. : 3,80 m) et à l’entrée dans le mur pignon est. Les parois intérieures portent des traces de noircissement par la fumée. Un trou d’aération s’ouvre à chaque extrémité de la voûte.
- En arrière de ce bâtiment, une cabane c, de plan ovale (diam. max. : 3 m), de forme ogivale extérieurement et intérieurement (haut. int. : 2,40 m) et à l’entrée donnant sur un petit enclos.
- À l’ouest du bâtiment a, une cabane d, de plan elliptique (unique dans le secteur de Gordes) (grand axe : 4,90 m ; petit axe : 2,10 m), à la voûte en « anse de panier » (haut. : 3,20 m) et à l’entrée au linteau à décharges successives. Les intervalles de séparation entre ces trois bâtiments sont remplis par du matériau d’épierrement accumulé.
- À l’est du bâtiment A, formant un angle de 130° avec lui, un sous-groupe de deux édifices accolés : une cabane e, approximativement circulaire (diam. axe de l’entrée : 3,00 m), de forme ogivale (haut. intér. : 3,40 m) et un bâtiment f, de plan approximativement rectangulaire (long. méd. : 5 m, larg. méd. : 2,40 m) et à voûte en moitié de « carène » (haut. intér : 3,40 m), venant s’appuyer sur la paroi de la cabane e, la où se trouve l’entrée de celle-ci. L’entrée du bâtiment f est ménagée juste au contact de son mur gouttereau est et de la cabane e. Le bâtiment f ne porte aucune trace de fumée.
LE GROUPE E
Situé à 25 m environ au nord du groupe B, et comme lui, en bordure à gauche du petit cheminement transversal, il est composé d’un grand bâtiment rectangulaire accolé par le mur pignon à un bâtiment également rectangulaire mais plus petit.
LES GROUPES T D O U et C (= groupe B de Verney)
Le groupe T D O U réunit quatre bâtiments de part et d’autre d’un coude du grand chemin transversal :
- Le bâtiment t, au nord, de plan carré (2 m de côté), contenant un four à pain (haut. : 1 m). L’encadrement de l’ouverture du four est en trois pièces de taille grossière, rongées par la dilatation et la rétraction. Il est précédé d’un avant-four de plan rectangulaire (long. : 5 m, larg. : 3 m).
- Le bâtiment d, immédiatement à l’est de ce dernier, de plan carré extérieurement mais circulaire intérieurement, couvert d’un dôme : contre lui s’appuie au sud une cabane plus petite et plus basse.
- Le bâtiment o, au sud-ouest de ce dernier, de plan rectangulaire (long : 7 m, larg. : 2,20 m), à voûte en « carène » (haut. : 4 m), comportant intérieurement une sorte de cheminée. Une épaisse couche de noir recouvre un enduit.
- Le bâtiment u, renfermant un puits couvert ou aiguier dont la cavité continue de se remplir d’eau de pluie venue de l’aire voisine.
LE GROUPE C
Le groupe C, au sud, à un autre coude du grand chemin transversal, comprend un premier bâtiment c1, rectangulaire de plan (long. : 5,80 m, larg. : 2,50 m) et voûté intérieurement en « carène » (haut. : 3,20 m), sur le mur gouttereau sud duquel vient prendre appui une deuxième construction c2, approximativement rectangulaire (long. : 5,70 m, larg. : 1,80 m), plus étroite mais plus haute intérieurement (haut : 3,90 m) et dont le faîte continue de monter jusqu’au niveau de la base du mur gouttereau de c1 culminant en une crête à 6,20 m de haut.
Au sud du groupe T D O U et à l’ouest des bâtiments C, dans un verger d’oliviers V étagé en terrasses, sont disposés une dizaine de tas d’épierrement cylindriques (hauteur : de 0,50 m à 1 m, diamètre : de 1 m à 1,50 m).
Plusieurs autres cylindres du même genre, certains faisant plus de 2 m de haut, se trouvent au sud-ouest de l’ensemble, à proximité du bâtiment f.
Comme autre bâtiments on note, isolés dans des parcelles :
- les bâtiments J, K, L, M, N, monocellulaires et de plan rectangulaire,
- les bâtiments G, H, I, monocellulaires et de plan circulaire,
- les bâtiments P, Q, R, S, écroulés,
- le bâtiment W, cabanon moderne.
Sources
- Albert Verney (Abbé), Etude sur les « bories » de Gordes, appelées « cabanes gauloises » dont on ignore l’origine, éd. L’Écho des Dentelles, Vacqueyras, 1955, polycopié.
- Relevés de l’architecte Jean-Marc Didillon, communiqués à l’auteur.
- Delaire Pierre, Les boris du Pays d’Apt, dans La vie urbaine, organe de l’Institut d’urbanisme de l’Université de Paris, n. s., janvier-mars 1964, pp. 7-62.
Pour imprimer, passer en format paysage To print, use landscape mode © Christian Lassure 17 novembre 2005 / November 17th, 2005
Référence à citer / To be referenced as :
Christian Lassure Les vestiges en pierre sèche du quartier des Auripes (alias « le village noir ») à Gordes (Vaucluse) au milieu du XXe siècle (The dry stone vestiges of Les Auripes (aka "the black village") at Gordes, Vaucluse, in the mid twentieth century) http://pierreseche.chez-alice.fr/les_auripes.htm 17 novembre 2005 / November 17th, 2005 |