LE JAS DES TERRES-DU-ROUX À REDORTIERS (ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE) The Terres-du-Roux Sheepfold at Redortiers, Alpes-de-Haute-Provence Christian Lassure (texte), Jean Laffitte (photos)
Le Jas des Terres-du-Roux, ainsi que le dénomme son inventeur Pierre Martel en 1966 (1) (ou Terres-de-Roux comme indiqué dans la notice de la base Mérimée) est un ensemble pastoral (et non pas agricole comme indiqué dans cette même base) situé au lieudit Contadour sur la commune de Redortiers, dans la montagne de Lure, dans les Alpes-de-Haute-Provence.
(1) Dans le No 38 de la revue Les Alpes de Lumière consacré à « L'art des paysans » dans le Val de Saut et le Pays d'Albion (p. 230).
1 - Situation Situé au lieudit Contadour (lieu où l'on compte les bêtes), le jas des Terres-du-Roux est un enclos rectangulaire orienté N-O / S-E (dans le sens de sa longueur) et réunissant une bergerie, une cabane de berger et une citerne à eau de pluie. L'ensemble est à 1280 m d'altitude.
L'accès se fait par le petit côté S-E, à gauche de la citerne ; la bergerie longe le grand côté de droite, la cabane de berger occupe l'angle entre le petit côté du fond et le mur formant le grand côté de gauche. On peut penser qu'une barrière en bois fermait la cour à l'origine.
2 - Composition
La bergerie est un grand vaisseau de 15 m de long, extérieurement d'un seul tenant mais intérieurement à quatre travées. Son entrée est réservée dans le mur long, au niveau de la deuxième travée à partir du mur du fond. Le choix de cet emplacement s'explique vraisemblablement par la proximité de cette travée par rapport à l'entrée de la cabane : c'est le parcours le plus court et le plus commode pour le berger.
La cabane du berger est un bâtiment de plan carré. Intérieurement, il est coiffé d'une voûte encorbellée sur pendentifs. Extérieurement, il porte un toit de lauses à quatre versants s'arrondissant aux angles. Un sol dallé signe sa fonction d'habitation. La porte regarde l'ouverture de l'enclos.
La citerne est une cuve circulaire en ciment sur laquelle on a plaqué un habillage en pierre sèche lors de la restauration de l'ensemble il y a quelques décennies. La récupération de l'eau de pluie se faisait par une gouttière en bois ou en tôle courant le long de l'égout du toit de la bergerie puis par une rigole cimentée entre la bergerie et la citerne.
3 - Architecture
3.1 - Matériaux
Quelques faussetés sont colportées par une presse touristique et non spécialisée à propos de la bergerie des Terres-du- Roux :
3.2 - Bergerie
À l'intérieur de la bergerie, trois arcs doubleaux délimitent, avec les deux murs-pignons, quatre travées surmontées chacune d'une coupole voûtée par encorbellement, le passage du plan carré au plan circulaire se faisant par des pendentifs. Aucun cintre ni mortier à liant ne sont employés si ce n'est pour monter les arcs doubleaux. Le tout est sommé d'un toit de lauses à quatre pans, deux longs et deux courts.
Maçonnerie au mortier et maçonnerie sans mortier cohabitent dans le bâtiment de la bergerie. Ces choix ne doivent rien à la fantaisie des bâtisseurs : la voûte d'encorbellement peut se passer de mortier à liant mais non point l'arc clavé, lequel exige du mortier, outre un cintre en bois, pour son érection.
3.4 - Cabane du berger
3.5 - Mur de clôture
3.6 - Détails architecturaux
Les angles de la bergerie et ceux de la cabane du berger sont constitués chacun par un puissant chaînage alternant panneresse et boutisse d'une face à l'autre.
Deux fenestrons étroits, ménagés au niveau des deux travées avant, gardent à la bergerie un peu de fraîcheur.
4 - Date de construction
L'ensemble est monument historique depuis le 28 mai 1993. Il est décrit dans sa notice comme « construction en pierres sèches dans la tradition pastorale locale », ce qui sous-entend qu'il est un des derniers spécimens d'une lignée de gîtes en pierres sèches remontant loin dans le temps et ce malgré l'absence de jalons identifiés et reconnus d'une telle tradition locale.
Le jas des Terres-du-Roux a été édifié vraisemblablement à la fin du XIXe siècle, voire au tout début du XXe, par une entreprise de bâtiment ayant pignon sur rue dans la région et ayant bâti également d'autres bergeries employant plus ou moins les mêmes matériaux et les mêmes techniques de construction (jas de Bouscarle à la Rochegiron, cinq coupoles ; jas de Pimerle à Saumane, quatre coupoles ; jas de la Ferraye à Lardiers, quatre coupoles). Malheureusement, aucune enquête n'a été menée qui puisse identifier les commanditaires et les maîtres d'œuvre.
Il existe à Saumane, dans les Alpes-de-Haute-Provence, une bergerie en pierre sèche à voûte en berceau sous toiture de lauses à l'instar de certaines bergeries de la montagne de Lure. Sur sa façade, on peut lire le millésime 1889 gravé sur le parement d'une pierre. Voilà un indice quant au siècle où l'on a édifié ce type de bâtiment.
Si l'ensemble paraît en bon état de conservation aujourd'hui, c'est parce qu'il a été restauré en 1995 par feu l'A.P.ARE. Une cartes postale antérieure à cette restauration témoigne du délabrement de la toiture de lauses de la bergerie.
5 - Devenir
Depuis août 2020, l'accès au jas est interdit aux visiteurs, le propriétaire des lieux ayant décidé de ne pas renouveler la convention le liant au département et donnant droit de passage aux randonneurs. Le chemin de grande randonnée sur lequel il figurait, le contourne désormais. Rappelons que le jas des Terres-du-Roux est un monument historique qui a été restauré avec de l'argent public (98 000 francs de l'époque).
BIBLIOGRAPHIE
Pierre et Claude Martel, Randonnées en montagne de Lure [Alpes-de-Haute-Provence], Les Alpes de lumière, No 54, 1er semestre 1975, en part. fiche 07 (L'architecture populaire), fiche 12 (Le Jas de la Terre de Roux), fiche 17 (Sentier des bergeries), fiche 18 (Les bornes du Contras)
Christian Lassure et Pierre Haasé, Bibliographie analytique et critique de l'architecture rurale en pierre sèche de Provence, dans L'Architecture vernaculaire rurale, suppl. No 2, 1980, pp. 7-136, en particulier pp. 85-90.
Philippe Alexandre, Nadine Orloff, Inventaire et étude ethno-archéologique des bergeries de la Montagne de Lure [Alpes-de-Haute-Provence], A.P.ARE. (Avignon) et Mission du patrimoine ethnologique (Paris), mai 1985, 3 volumes, vol. I, Ecrits (X p. + 210 p.), vol. II, Annexe (154 p.), vol. III, Plans
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Christian Lassure
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