FABRIQUES EN PIERRE SÈCHE MODERNES À BUOUX (VAUCLUSE) MODERN DRY STONE STRUCTURES AT BUOUX, VAUCLUSE Christian Lassure (texte), Jean Laffitte (photos) De curieuses constructions en pierre sèche se dressent dans une propriété privée de la commune de Buoux dans le Vaucluse. Elles ont pour caractéristiques d'être pleines et d'épouser des formes géométriques simples (cylindre, tronc de cône, cube, parallélépipède, pyramide). Dans certaines, les pierres sont grisâtres, patinées par les années, dans d'autres elles sont encore blanchâtres, récemment tirées du sol. On trouve également de grands pierriers rectangulaires parementés de plusieurs dizaines de mètres de long et des pierriers non parementés, en forme de tas, les uns et les autres liés aux anciennes activités agricoles des lieux. Le site n'étant pas enclos, il sert aujourd'hui de promenade à des visiteurs, attirés par la présence de ces fabriques (1) en pierre sèche. L'un des auteurs du présent article, Jean Laffitte, en a rapporté les photos suivantes.
D'autres fabriques, pour lesquelles nous n'avons pas de
photos, ornent la propriété : Toutes ces structures sont dues au propriétaire des lieux : ayant pris sa retraite, il s'est mis à remonter les constructions agricoles en pierre sèche qui occupaient le site et à en ajouter de nouvelles de son cru. Interrogé par Jean Laffitte, il a confié à ce dernier un certain nombre de remarques sur la construction de la grande pyramide. On trace un carré au sol avec de la ficelle, on plante ensuite en son centre un tube d'irrigation fiché dans un tonneau plein de pierres, enfin on tend deux ficelles. Il ne reste plus qu'à aller cherches des pierres avec une brouette. Pour faire les parties hautes de la structure, il faut une échelle double. Les pierres sont toutes calées à l'arrière pour qu'elles ne bougent pas. Aucune fondation, la pyramide a été posée directement sur le sol. Comme une pyramide se rétrécit de la base au sommet, « plus on avance, plus ça va vite », fait remarquer non sans esprit le bâtisseur (5). Le parement des ouvrages semble ignorer les règles fondamentales de la maçonnerie sèche : le croisement systématique des joints pour éviter la formation de piles d'assiettes, et le fruit à imprimer aux parements pour contrecarrer les poussées vers l'extérieur. Avec ces fabriques en pierre sèche, on est dans le registre du « land art » (6), mais un land art sans prétention technique ni esthétique, prenant prétexte de l'existence de vestiges lithiques agricoles pour s'exhiber. Alors que les cabanes et murs en pierre sèche des agriculteurs du plateau des Claparèdes (7) répondaient à des nécessités vitales, ces structures modernes sont conçues et réalisées sans autre nécessité pour leur édificateur que celle d'occuper agréablement sa retraite. NOTES (1) Une fabrique est une construction à vocation décorative et philosophique ornant un jardin ou un parc. (2) Un pyramidion est le petit élément coiffant le sommet d'une pyramide ou d'un obélisque. (3) Une pierre est dite placée « en demoiselle » quand elle est placée en parement avec sa plus grande dimension dans le sens vertical. (4) Un « stoupa » est monument bouddhiste que l'on trouve dans le sous-continent indien mais aussi dans le reste de l'Asie. C'est à la fois une représentation aniconique du Bouddha et un monument commémorant sa mort. (5) Source : vidéo réalisée par Jean Laffitte lors de sa visite des lieux en octobre 2008. (6) Le « land art » est une pratique artistique prenant la nature comme support et matière première. (7) Buoux est, avec Apt, Auribeau, Bonnieux, Catellet, Saignon et Sivergues, une des sept communes occupant le plateau des Claparèdes, vaste étendue qui fut déboisée et mise en culture au XIXe siècle, d'où les nombreux clapiers, murs et cabanes en pierre sèche édifiés avec les pierres calcaires extraites du sol lors des défrichements. Au début du XXe siècle, la culture des céréales fut petit à petit abandonnée en raison de l'épuisement de la mince couche de terre arable. Pour imprimer, passer en format paysage © Christian Lassure, Jean Laffitte Référence à citer / To be referenced as : Christian Lassure (texte), Jean Laffitte (photos) |