Série : Cartes postales anciennes montrant des cabanes en pierre sèche 35 - LES JAS OU BERGERIES DU MONT VENTOUX (VAUCLUSE) Series : Old Postcards Showing Dry Stone Huts 35 - The jas or sheepfolds of Mont Ventoux, Vaucluse Christian Lassure Le mont Ventoux, le plus haut sommet des monts de Vaucluse (1), était parcouru, sous l'ancien Régime, par des troupeaux de moutons qui y paissaient landes, sous-bois, terres moissonnées ou en jachère. Aujourd'hui, l'élevage ovin n'est plus que l'ombre de lui-même mais il en reste des traces, les anciennes drailles (ou chemins) (2) et bergeries (ou jas en provençal, c'est-à-dire « gîte » pour être exact). La commune de Bédoin, située au pied sud-ouest du massif calcaire, compte une soixantaine de bergeries (3). Celle de Flassan, au sud, en possède 20 et Villes-sur-Auzon, à l'est, 10. Situés entre 1000 et 1300 m d'altitude, ces jas étaient construits à pierre sèche et couverts de tuiles creuses sur une charpente de pannes et de chevrons. Nombre d'entre eux sont désormais à un stade plus ou moins avancé de ruine, d'autres sont en cours de débroussaillage ou de restauration (dans l'intérêt de la Randonnée et du Tourisme). Les édifices en eux-mêmes ne sont pas très anciens. À Bédoin, le cadastre napoléonien n'en indique que 23 en comparaison des soixante répertoriés aujourd'hui. Il n'est donc pas interdit de penser que la première moitié du XIXe siècle a vu une campagne de construction de bergeries sur le massif, jusqu'aux travaux de reboisement entrepris dans la zone de pâturage au-dessus de 1000 mètres d'altitude à partir du dernier tiers de ce même siècle.
Deux cartes postales du début du XXe siècle nous font découvrir l'aspect de deux jas du mont Ventoux à cette époque. BERGERIES DU MONT VENTOUX 1 - LE JAS DE MELETTE Le premier est le jas de Melette (ou des Melettes), qui se trouve sur la D 974 en venant de Bédoin. Pour autant qu'on puisse en juger, on distingue deux grandes bergeries formant un alignement et disposées perpendiculairement à la pente d'un versant. Ce sont des bâtiments aux murs à pierres crues et à la toiture monopente couverte de tuiles creuses. Des pierres lestent les rives et les rampants, précaution indispensable dans un massif très venté. Chaque bergerie, apparemment, a sa cabane de berger attenante : sur l'avant et en aval pour la bergerie de gauche, sur l'avant et en amont pour la bergerie de droite. Il y a aussi des murs en pierre sèche en aval des bergeries. Actuellement, le jas de Melette est en ruine mais sa restauration est programmée (4).
2 - LE JAS DE LA COMBE DE CANNAUD La deuxième carte postale figure un jas se trouvant dans la Combe de Cannaud (ou Canaud ou encore de la Canaud), combe qui part de Flassan et qui est une des plus longues du versant sud. Photographié de près, le jas révèle une bonne partie de ses caractéristiques morphologiques et architecturales. C'est un bâtiment de plan quadrangulaire, à un seul versant de toiture, qui s'appuie à gauche sur un talus. L'entrée s'ouvre à l'angle du gouttereau aval, dont elle fait toute la hauteur, et du pignon de droite. On note la présence, contre cet angle (qui est en fait la tête du mur pignon), d'un contrefort de très gros blocs. Les pierres employées à la maçonnerie sèches sont brutes et de toutes tailles. Les plus grosses sont réservées aux angles de l'édifice et aux piédroits de l'entrée. Celle-ci a son embrasure enduite de mortier et munie d'une feuillure. La porte est faite de bouts de planches. Deux planches superposées font office de linteau. Des blocs de pierre maintiennent en place les tuiles creuses sur les rives et le rampant. Un paysan en blouse s'appuie négligemment contre la paroi du goutterau. Il n'a pas l'air ni l'accoutrement d'un berger. Peut-être s'agit-il du guide du photographe ou du propriétaire de la bergerie.
BERGERIE DU MONT SEREIN Il faut attendre un demi-siècle pour rencontrer à nouveau un jas sur une carte postale, en l'occurrence une carte postale dite semi-moderne. Pour réaliser celle-ci, le photographe s'est installé devant une bergerie se trouvant près du « Chalet-restaurant du Mont Serein », ce qui signifie qu'on est non pas sur le flanc sud du massif mais sur le mont Serein (qui culmine à 1445 m d'altitude) au nord de celui-ci. Le jas est un édifice à deux versants de toiture et à entrée axiale en pignon. La pierre du pignon n'est plus sèche : elle a été montée avec du mortier, à moins qu'il ne s'agisse d'un enduit ayant servi simplement à boucher les interstices de la paroi extérieure. L'entrée est large et coiffée d'une poutre en bois. Sur le vantail en bois, fait de planches verticales juxtaposées, on peut lire l'inscription peinte en blanc sur un écriteau noir : Emplacement privé L'extrémité de la poutre faîtière pointe dans le triangle au sommet du pignon. Des pierres lestent la couverture de tuiles creuses. L'angle d'un autre bâtiment est visible sur la droite. De la tôle ondulée est plaquée sur son côté.
Une carte postale un peu plus tardive (années 1970 ?) laisse voir le même chalet Liotard mais d'un peu plus loin, depuis l'espace devant une bergerie dont on aperçoit un versant et un bâtiment ruiné attenant. S'il s'agit du même jas que dans la carte précédente, on peut penser que cette dernière est le résultat d'un montage effectué pour avoir jas, chalet, mont Serein et sommet du Ventoux dans un même axe.
Une carte multivue de la même décennie, intitulée « Le Mont-Ventoux », comporte, parmi ses quatre vues, celle de notre bergerie en aval du Chalet Liotard. Le photographe a dû prendre un peu de recul car l'on aperçoit, à gauche de la ruine et devant le jas en pierre, un bâtiment en planches, à deux versants, apparemment à file axiale de poteaux. Des moutons en sortent par une issue réservée dans la moitié droite du pignon-façade. Une échelle est accrochée à l'horizontale sous le rampant de gauche. On ne peut guère en dire plus.
Dans une autre carte en couleur de la même période, le bâtiment en planches est visible, mais coupé au niveau du poteau central du pignon-façade. On aperçoit non seulement le troupeau, qui vient de sortir, mais aussi le berger, coiffé d'un béret, et ses deux chiens à la manœuvre. Le panneau en bois de facture rudimentaire qui repose contre l'angle du pignon, n'est autre que la fermeture de la bâtisse.
Une ou deux décennies plus tard, on retrouve la bergerie (sinon une des bergeries) du Mont Serein dans une carte couleur multivue présentant diverses facettes des « SPORTS d'HIVER au MONT-SEREIN » : pistes du Mont Serein, école de ski au Mont Serein, remonte pentes, bergerie sous la neige.
L'agrandissement de la vue intitulée « bergerie sous la neige » révèle le gouttereau et le versant d'une bergerie qui est peut-être la même que celle des cartes précédentes. La maçonnerie est en pierres liées au mortier, le versant de toiture est en tuiles canal ou mécaniques (?) lestées de pierres. La présence de deux baies fermées par des volets dans le gouttereau et de tuyaux de poêle traversant la toiture indique l'emplacement de l'habitation du berger par rapport à la bergerie.
L'alignement de rochers qui hérissent la pente à l'arrière de la bergerie se retrouve, non sans quelques libertés prises avec leur taille et leur emplacement, dans le dessin à la plume, signé J. E., ornant une carte postale ancienne : on y reconnaît notre bergereie tout en longueur, avec sa toiture surbaissée à deux versants, son gouttereau percé de deux fenestrons ; le dessinateur à même représenté les blocs de pierre qui lestent la couverture du bâtiment.
L'étude des cartes postales anciennes et modernes concernant le mont Ventoux et le mont Serein au nord de celui-ci lève un coin du voile sur les gîtes pastoraux de ce massif mais ne remplace pas l'indispensable étude de terrain à effectuer avant que les derniers vestiges ne disparaissent. NOTES (1) Le mont Ventoux est l'un des derniers contreforts sud-ouest des Préalpes françaises. C'est un anticlinal avec des chevrons et des combes.
(2) Ces anciennes drailles ont été reconverties en chemins de randonnée.
(3) Il existe, pour les randonneurs, un « sentier des jas » à Bédoin. L'auteur d'un blogue intitulé « Mont Ventoux: au cœur de l'adret » consacre une section de sa page aux jas de l'adret (c'est-à-dire le versant sud) de la montagne. Nous y avons relevé les noms suivants : Jas des Abeyts, de la Couanche, Forest, de la Fréchière, des Landerots, des Melettes, du Mourre, de Perraches, des Pélerins, de Pied Gros, de Roussas, de Serre.
(4) Par l'association APARE. ANNEXE Photos modernes
Pour imprimer, passer en format paysage © Christian Lassure 7 février 2011 / February 7th, 2011 - Complété le 9 février 2011 - 23 février 2011 - 28 février 2011 - 8 avril 2012 - 27 avril 2012 / Augmented February 9th, 2011 - February 23rd, 2011 - February 28th, 2011 - April 8th, 2012 - April 27th, 2012
Références à citer / To be referenced as :
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